Un très grand nombre de pêcheurs dira certainement : « très mauvais ! ». Même si cette perception est justement à l’origine de ce projet, elle nécessite néanmoins d’être étayée sur le plan scientifique. Alors justement, que savons-nous de l’état des stocks de bars ?
Le dernier rapport scientifique sur la question a été émis en juillet 2013 par le CIEM (le Conseil International pour l’Exploration des Mers).
Le CIEM a un rôle de coordination de la recherche marine au niveau de l’Atlantique Nord-Est. Il assure notamment la réalisation des avis sur l’établissement des quotas de pêche d’un certain nombre d’espèces.
Que dit ce rapport ?
Le CIEM a établi deux avis distincts pour deux zones : le golfe de Gascogne et les zones CIEM « IVbc, VIIa, et VIId–h » correspondant à la « Mer Celtique, la Mer d’Irlande, la Manche et la Mer du Nord », que nous appellerons « Zone Nord ».
1/ La situation de ces deux zones est bien différente en matière de connaissance scientifique.
Dans le Golfe de Gascogne, la situation des connaissances scientifiques est mauvaise. Le CIEM conclut dans son rapport que les données à sa disposition ne lui permettent pas d’évaluer correctement le stock.
Dans la zone « Nord », les connaissances sont meilleures :
Une évaluation de stock plus approfondie a pu être réalisée pour la première fois en 2013. Elle permet de déterminer des tendances pour l’évolution de ce stock. Ces tendances ne sont malheureusement pas positives :
Le CIEM indique que le bar dans la zone Nord est surexploité.
Tableaux présentant l’évolution de la biomasse et des captures pour la zone « Nord » (source : CIEM)
Le CIEM tire un premier signal d’alarme : si la surpêche perdure en même temps que des faibles apports en juvéniles venant des dernières reproductions, il y a un risque élevé sur la santé de ce stock. Cela pourrait se traduire par :
- La poursuite du déclin de l’effectif des poissons « adultes »
- Une perte progressive des « gros individus »
- La dépendance de la reproduction sur des individus jeunes et moins féconds.
2/ Des données précises sur les captures effectuées par la pêche de loisir manquent cruellement. En l’absence de données, il est impossible de quantifier les captures totales de bar. Le CIEM s’appuie sur les études menées par les scientifiques de chaque pays. En France, l’Ifremer. Au-delà des chiffres annoncés, ce qu’il faut retenir, c’est que le CIEM considère que les prélèvements de la pêche de loisir doivent obligatoirement être pris en considération pour qu’une évaluation correcte du stock soit réalisée. Les scientifiques ont besoin particulièrement de données sur les captures : quantités, tailles et poids des prises.
3/ Qu’il est indispensable de mieux connaitre les délimitations des différents stocks de bars ainsi que la dynamique spatiale de l’espèce. Par exemple, il faudrait pouvoir quantifier les échanges de bars entre les différents stocks des zones CIEM ou encore mieux connaitre le parcours des bars entre le lieu de frai et le lieu de recrutement* (voir encart ci-dessous).
4/ Que l’amélioration de la collecte des données ne concerne pas que la pêche de loisir. Les données concernant les bateaux de pêche professionnelle de moins de 10m ne sont malheureusement pas toujours exploitables. Il est indispensable de recueillir plus d’informations sur l’effort de pêche (les moyens utilisés) et sur les captures correspondantes.
5/ Les scientifiques manquent d’information pour évaluer les apports en nouvelles « recrues ». Il est primordial de mieux connaitre l’efficacité du recrutement sur les aires de nurseries. Cela permet de détecter des variations récentes dans l’abondance du stock. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les effectifs des bars « recrutés » avant 2009 sont estimés faibles, et qu’on ne dispose d’aucune information sur la qualité des recrutements à partir de 2009.
6/ Compte tenu de ces éléments, le CIEM recommande une approche dite de précaution. Qu’est-ce que cela signifie ?
- Dans le golfe de Gascogne : une réduction de 20% des captures commerciales par rapport à la moyenne des trois dernières années étudiées (2009-2011), soit 1 890T.
Notons au passage que cette réduction de 20% ne garantit pas que le stock de bar se porte mieux à l’avenir. De plus, cette recommandation n’entraine en pratique aucune mesure de gestion pour atteindre cet objectif.
- Dans la zone « Nord », le CIEM fait les recommandations suivantes :
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- Limiter les captures à 2 707 T maximum, soit une baisse de 36% des captures par rapport à 2012 (4 060T)
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- Mettre en place des mesures de sélectivité (changer les engins, préserver certaines zones)
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- Le CIEM recommande également des mesures dites « préventives » telles que la protection des juvéniles, la limitation de l’effort de pêche, notamment sur les frayères.
En conclusion, ce rapport nous alerte sur le problème de l’impossibilité pour les scientifiques de réaliser une évaluation satisfaisante de la population de bar. Malheureusement le bar n’est pas un cas à part. De nombreuses espèces (et leurs stocks) pêchées en Europe ne disposent pas d’une évaluation complète de leurs populations.