Le cadre général de l’évaluation
Comme en 2014, l’évaluation est réalisée sur 3 grandes zones :
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- Le golfe de Gascogne : zones CIEM VIII a et b
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- La « Zone Nord » : les zones CIEM « IVbc, VIIa, et VIId–h » correspondant à la « Mer Celtique, la Mer d’Irlande, la Manche et la Mer du Nord »
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- Les côtes atlantiques d’Espagne et du Portugal, zones VIIIc et IXa
Zones utilisées par le CIEM pour l’évaluation du bar en 2015
Les zones situées à l’ouest de l’Irlande et de l’Ecosse (Divisions VIa, VIIb, and VIIj), ainsi que dans les eaux territoriales irlandaises sont un cas spécifique. En effet, la pêche commerciale du bar est interdite depuis 1990 dans les eaux irlandaises. Ainsi, on ne dispose (logiquement) pas de données afin d’évaluer le stock. D’après le CIEM, il existe des données sur les captures réalisées par la pêche de loisir (44 tonnes en 2011) mais ces dernières n’ont pas pu être utilisées.
Cette délimitation géographique des stocks mérite qu’on s’y attarde un peu plus. Il s’agit en effet d’une délimitation relativement incertaine, et l’on n’est pas capable d’affirmer que les populations de bars du golfe de Gascogne sont véritablement distinctes de celles de la Manche ou de la mer Celtique, par exemple.
Ainsi les mesures de gestion appliquées sur une seule zone (la zone Nord) pourraient être peu efficaces si les populations de bars de part et d’autre du 48ème parallèle ne forment en réalité qu’un seul stock.
Comme on le voit à la lecture des schémas ci-dessus, il est essentiel de savoir quelle est la délimitation exacte des stocks de bars. En effet, un seul et même stock dans le golfe de Gascogne et la zone Nord ne réagirait pas de la même façon aux mesures de gestion en cours d’application dans la zone Nord que s’il existait deux stocks distincts.
L’état des lieux en matière de connaissance scientifique
Comme les années précédentes, la qualité de l’évaluation scientifique est bien différente entre la zone « Nord » et les autres zones. La zone « Nord » est classée dans la catégorie 1 et bénéficie d’une évaluation scientifique complète. Les scientifiques sont ainsi capables d’évaluer le niveau de mortalité par pêche compatible avec le Rendement Maximal Durable (RMD).
Cependant, l’avis pour le golfe de Gascogne a légèrement évolué depuis l’année dernière. Il est ainsi passé de la catégorie 5 à la catégorie 3. C’est-à-dire ?
Le CIEM classe les stocks en 6 catégories en fonction de leur niveau de données et d’évaluation disponibles.
Alors que l’avis de 2014 était classé en catégorie 5 comme « data poor » (seules les données de débarquements étaient utilisées), l’avis de 2015 intègre également des données de rendement (kg débarqué par jour et par unité d’effort). Le stock passe ainsi de la catégorie 5 à la catégorie 3, permettant ainsi aux scientifiques de réaliser une estimation de l’évolution de la biomasse.
Enfin, les stocks des autres zones, notamment les eaux ibériques et la Méditerranée, ne disposent pas de données suffisantes et ne permettent pas une évaluation scientifique…
Alerte rouge en Zone Nord
L’avis scientifique du CIEM pour la zone Nord confirme la situation catastrophique du stock, avec une biomasse maintenant très proche du seuil fatidique de Blim (seuil au-delà duquel les risques d’effondrement du stock sont très importants (quatrième graphique ci-dessous).
Les débarquements (pêche professionnelle et récréative) ont très fortement progressé depuis 20 ans. Le recrutement*, quant à lui, est estimé à des niveaux dramatiquement bas depuis la fin des années 2000.
Le troisième graphique ci-dessous indique l’évolution de la mortalité par pêche. On constate que la mortalité est (dramatiquement) au-dessus de la ligne pointillée indiquant le niveau de mortalité par pêche dit au RMD.
Enfin, encore plus inquiétant, le niveau de biomasse des bars adultes (matures) est maintenant extrêmement faible.
Graphiques présentant l’évolution des débarquements, recrutement, mortalité par pêche et biomasse féconde pour la Zone Nord (CIEM, 2015)
Nous voyons à la lecture de ces graphiques que la situation présente une combinaison de facteurs particulièrement défavorables :
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- forte mortalité par pêche
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- biomasse de géniteurs très faible, proche du seuil fatidique Blim
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- derniers recrutements très faibles
Donc non seulement le stock continue de s’appauvrir, mais en plus, ses chances de se redresser sont fortement compromises par le faible niveau de juvéniles des dernières années.
En conclusion, le CIEM recommande que les captures totales (récréatifs et professionnels) de bar en 2016 ne dépassent pas 541 tonnes. Pour rappel, l’avis de 2014 recommandait que les captures de 2015 ne dépassent pas les 1 155 tonnes. En 2014, ce sont plus de 4 000 tonnes de bar qui ont été prélevés !
Cet objectif semble encore une fois complètement irréalisable compte tenu de l’absence de mesures de gestion à la hauteur de la situation.
Incertitude dans le golfe de Gascogne
Comme cela est indiqué plus haut, l’avis scientifique de l’année 2015 est classé dans la catégorie 3. Il intègre des données de rendements de capture (Landings Per Unit Effort : quantités débarqués par unité d’effort de pêche exprimées en kg/jour). Ces données sont utilisées comme indice pour estimer la biomasse.
Par contre, cet avis n’intègre pas les données de capture de la pêche récréative (absence de données…) et ne formule son avis que pour la pêche professionnelle.
Cet avis fait état d’une situation bien meilleure que dans la zone Nord. Les indices permettant aux scientifiques d’estimer la biomasse montrent même une augmentation de cette dernière.
Graphiques présentant l’évolution des débarquements et de l’indice de biomasse exprimé en kg/jour pour le golfe de Gascogne, VIIIa et b (CIEM, 2015)
Le CIEM intègre donc cette tendance positive de la biomasse et délivre une recommandation de capture limitée à 2 634 tonnes (la quantité débarquée par les pêcheurs professionnels en 2014 est évaluée à 3 000 tonnes). Pourquoi ? Le CIEM considère qu’avec des débarquements relativement stables et un indice de biomasse en hausse, une hausse des captures (limitée à +20%) est possible. Cependant, en l’absence de données suffisantes, l’application d’une approche de précaution est également requise (réduction « forfaitaire » des captures de -20%).
Ce qui donne le calcul suivant :
Limite de capture recommandée = moyenne des débarquements (2012-2014) x 120% x 80%
Soit 2 743 tonnes x 1,2 x 0,8 = 2 634 tonnes.
Si ces dernières nouvelles semblent réjouissantes, cette évaluation soulève plusieurs interrogations :
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- Il faut rappeler qu’il ne s’agit là que d’une évaluation incomplète du stock, basée sur des indices d’évolution de la biomasse et excluant notamment les captures de la pêche de loisir, qui sont reconnues « substantielles ». Dans ce contexte, une augmentation de la limite de capture recommandée (mais non obligatoire) est-elle pertinente ?
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- Etant donné la situation dramatique du bar dans la zone Nord, et les nombreux manques en matière de connaissance scientifique, notamment les incertitudes concernant la délimitation des stocks, une approche extrêmement prudente est indispensable.
En tout état de cause, aucune mesure existante ne permet de limiter les captures de bar dans le golfe de Gascogne conformément à cette dernière recommandation. C’est pourquoi il est impératif qu’un plan de gestion pérenne du bar au nord comme au sud du 48ème parallèle, s’appliquant à la pêche professionnelle comme à la pêche de loisir soit mis en place le plus rapidement possible.
Enfin, il faut déplorer que la Méditerranée soit encore et toujours le « parent pauvre » de la recherche halieutique et de la gestion des pêches. Le loup est aussi une espèce importante en Méditerranée. Malheureusement, le niveau de connaissances à son sujet, comme pour quasiment l’intégralité des autres espèces pêchées, sont presque nulles.